Frontière est un format de concert collaboratif interspéciste, par (et pour) les humain.e.s et non-humain.e.s. Il se déroule dans des lieux a la frontière, une frontière poreuse entre une présence industrielle, actuelle ou passée, et un foisonnement non-humain.
On écoute du son.
Le son que l’on entend est une superposition du son ambiant (train, vent, avions, voitures, oiseaux, évènements sonores imprévisibles…) et d’un montage sonore plus musical diffusé sur des enceintes, qui inclut également plusieurs sons, conversations, prélevés sur le lieu lors d’exploration sonores préalables. Certains sons ambiants sont donc a la fois émis par leur source “naturelle”, a la fois par les enceintes, éventuellement après traitement sonore.
Si le lieu s’y prête, un boitier qui transforme les ondes électromagnétiques en ondes sonores peut être utilisé et permet de rendre audibles ces “chants”.
Dans le trouble qui résulte de l’incapacité a séparer les origines (humaines, non humaines, présentes, passées) des sons entendus, la frontière elle-même entre la nature et la culture s’en retrouve brouillée. Il n’y a plus de critère de jugement autre que celui induit par la sensation. Le dé-référencement, permis par ce mixage, nous invite a une déambulation au creux des interstices, a détruire les fondements de cette opposition factice entre l’humain et son environnement, clef de voute de l’actuelle impasse écologique.
Créer des lignes de fuite parmi les ruines. Envisager une cohabitation rieuse.
Il s’agit donc ici de rendre tangible les jeux auxquels jouent déjà les humains et non-humains, ces petits chocs permanents, ces interstices vivants qui pépient, et défient calmement la méta-structure.
Comme une flamme qu’on approche d’un billet écrit à l’encre sympathique, j’ai le désir de révéler ces traces, de construire un pont feuillu et poilu qui porterait son ombre hybride sur la rigidité binaire.
Episode 1 – Moeraske
La première version de Frontière a vu le jour a Moeraske, réserve semi-naturelle qui longe les rails au nord de la gare de Schaerbeek. Plus précisément, sous un pylône. La route par laquelle on accède au lieu, rue Carli, passe devant différents bâtiments liés aux technologies de communication.
Le lieu lui-même recèle des trésors de biodiversité, bien répertoriés sur la page wikipedia du site. Le marais est alimenté par le ruisseau du Kerkebeek, et, quoique la première gare de taille conséquente ne se construise qu’a partir des années 1900, ce n’est qu’a la fin du 20e siècle que le paysage prendra la forme qu’on lui connait aujourd’hui : la ou se tenaient prairies et champs, le long de la rive droite de Kerkebeek, des remblais seront construits. Un bassin régulateur qui servait a récolter les eaux des nombreuses sources est devenu plus tard étang puis le marais actuel de Moeraske.
Tout ce que l’on voit, touche, respire et entend est donc le fruit d’un travail humain et non-humain.
L’article ci-dessous est paru en janvier 2022 dans L’écho du marais, une gazette destinée aux amateurices de nature et aux doux rêveureuses de promeneureuses de Moeraske.
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