Comment raconter un présent sinistre sans tomber dans le fatalisme ou la dépression ? Comment modifier les perceptions, les sensibilités, les désirs, manipulés et orientés avec beaucoup de dextérité et de moyens par le marketing et le consumérisme ? Comment faire contre-récit, comment ré-aiguiller nos vies pour désirer moins et mieux, pour prendre soin plutôt que racheter, pour se soucier de la matière et du temps, comme deux personnages avec lesquels composer plutôt qu’à dominer ?
Il n’y a heureusement pas qu’une seule réponse à ces questions, mais celles que nous avons choisies ici sont celles de la fiction et de l’art sonore. En racontant le présent d’un point de vue futur, nous suivons la longue tradition du future design : en posant un regard sur notre présent depuis le futur, il devient aisé de grossir certains de ses traits, de le rendre grotesque, de le mettre à distance pour mieux le critiquer, le déformer, penser comment résister.
Dans cette pièce de théâtre utilisant certains codes de la création radiophonique, ou plutôt dans cette pièce radiophonique utilisant certains codes du théâtre.
Nous sommes en 660 après la grève du miel, en plein Flegmocène, sur le plateau radio de la charismatique et minérale Calypso. Elle y reçoit Luisa, anthropolichinelle rattachée au Ministère dynamique de l’Insubordination, laboratoire de recherche transdisciplinaire, qui vient présenter les plus récentes hypothèses de son équipe concernant l’ère géologique précédente, le Dualocène. Les pièces géologiques retrouvées sur les fouilles sont des enregistrements qui peignent, tout en hypothèses et en conjectures, le portrait d’un ancien monde étrange où les choses marchent par deux, où toute une partie du monde court après le temps, tandis qu’une autre courbe l’échine. La seconde partie du spectacle est le récit de la dette coloniale, rapportée comme un épisode de la mythologie grecque.

Nous sommes la compagnie des Aspiratrices par le Vide, basée à Bruxelles.
Écriture, jeu : Mathilde Schoenauer Sebag et Eloïse Bodin
Mise en scène: Daphné Linardos
Voix : Anass Mbouombouo, Camille Bruneau, Mathilde Edenfeld, Paul Boniface.
Création sonore : Mathilde Schoenauer Sebag
Illustration : Audrey Esnault